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17/11/2023

Colombie : Président Petro, il est temps de rompre les relations avec le régime génocidaire israélien !
Rejoignez les 126 premiers signataires de la pétition


 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

  Vous pouvez signer la pétition en cliquant ici 

Pétition urgente au Président de la République de Colombie Gustavo Petro Urrego

« Alors, sortez de notre terre
De notre terre ferme, de notre mer
De notre blé, de notre sel, de notre blessure
De toute chose, sortez
Des souvenirs de la mémoire
O vous qui passez parmi les paroles passagères »

Mahmoud Darwich, Passant parmi les paroles passagères

17/11/2023


Rue de l’État de Palestine, Bogotá (inaugurée en septembre 2023)

 
Monsieur le Président Gustavo Petro, chères et chers ami·es et autres destinataires de cette communication,

C'est avec inquiétude et angoisse que nous assistons à l'ignoble génocide perpétré par l'État sioniste d'Israël contre le peuple palestinien. Les USA, à leur tour, sont complices de cette horreur, ont déployé leur appareil de guerre dans la zone de guerre et soutiennent le gouvernement de Netanyahou en lui fournissant des armes.

Pendant des décennies, ils ont dépensé une fortune pour armer Israël. Ce drame n'est pas nouveau, ce sont 75 ans d'ignominie depuis la création même de cet Etat. C'est la disproportion aberrante de deux puissances qui s'acharnent sur un petit territoire et son peuple.

La douleur et l'indignation nous ont saisis, les images révèlent toute l'impiété exercée, ils ont même bombardé des hôpitaux et des centres de réfugiés causant à ce jour plus de dix mille morts sans compter les disparus, en grande majorité des filles, des garçons et des femmes sans défense, la population civile. Nous assistons à la destruction et au carnage d'un peuple dans toutes ses dimensions.

                           

Intervention de Jennifer Pedraza, la benjamine du Congreso (Parlement)

Inévitablement, des personnes de différentes parties du monde ont exprimé leur rejet d'une telle ignominie. Des manifestations de masse ont eu lieu dans de nombreuses villes. Aujourd'hui, plusieurs pays se sont exprimés. En ce qui nous concerne, nous sommes encouragés par vos déclarations courageuses, décrivant cette barbarie de l'État d'Israël comme ce qu'elle est : un génocide, ainsi qu'un “nettoyage” ou une élimination ethnique continue depuis 75 ans. Vous avez souligné que le régime sioniste a violé les droits humains, qu'il a ignoré toutes les résolutions de l'ONU. Vous avez également condamné leurs actions inhumaines, ce qui mérite une grande reconnaissance de notre part. La Colombie, comme plusieurs autres pays, a rappelé ses ambassadeurs pour consultation. L'État plurinational de notre pays frère, la Bolivie, a rompu ses relations diplomatiques et économiques avec l'État israélien.

Bien qu'il s'agisse d'une déclaration énergique de votre part, il est plus important de la ratifier, de faire un pas de plus : ce pas qui s'avance entre les fumées des bombes pour dire “Non, de fait, nous n'acceptons aucune collusion de la part de notre pays, la Colombie”. Pour cette raison et face à un tel malheur, Monsieur le Président Gustavo Petro, nous présentons notre pétition, qui vient du cœur des secteurs populaires qui ont voté pour le gouvernement de changement que vous présidez avec Francia Márquez. Nous appelons également les Colombien·nes qui lisent ce communiqué à se joindre à cette clameur en signant la pétition suivante :

Nous demandons, Monsieur le Président Gustavo Petro, la rupture immédiate des relations diplomatiques, économiques et politiques avec l'État d'Israël, avec pour conséquence l'expulsion de notre territoire du corps diplomatique de ce pays et l'annulation et/ou l'embargo sur tous les contrats concernant les systèmes de sécurité militaire et les armements.

Nous développons d'autres considérations connexes : il est impératif d'annuler l'accord qui, de manière absurde et regrettable, nous accorde le statut de “partenaire stratégique" de l'OTAN, étant donné que notre pays n'a aucune raison géographique ou politique d'appartenir à cette organisation. L'existence de bases militaires usaméricaines sur notre territoire et notre adhésion à cette organisation militaire, qui va à l'encontre de la paix mondiale, non seulement menacent notre souveraineté, mais nous placent également en tant qu'allié des forces militaires usaméricaines dans le scénario d'une éventuelle guerre entre puissances étrangères. La Colombie se considère également comme un pays “non aligné”, ce qui n'est malheureusement possible qu'en paroles, car dans la pratique nous ne le sommes pas, étant signataires de ces accords avec l'OTAN et acceptant l'existence de bases militaires usaméricaines sur notre territoire, une situation que vous avez combattue et dénoncée en d’autres tmps. Affirmer la souveraineté de la Colombie devant le monde et positionner notre pays comme un territoire de paix constituerait la ratification de votre politique de paix totale, non seulement pour notre territoire mais aussi pour la planète, conformément à votre position de leader mondial pour la paix dans le monde.

Les personnes colombiennes ci-dessous, résidant en Colombie et à l'étranger, signent cette pétition en vous adressant l’expression de notre appréciation et considération sincère :

Gloria Gaitán, combattante sociale et écrivaine, fille du grand dirigeant Jorge Eliécer Gaitán (assassiné en 1948)
 Hernando Calvo Ospina, écrivain, journaliste, réalisateur de documentaires, Paris, France
 Renán Vega Cantor, écrivain, chercheur, professeur d'université. Bogota, Colombie
Reinaldo Spitaletta, journaliste, écrivain, chroniqueur à El Espectador, Medellín, Colombie
 Daniel Libreros, professeu-chercheur, Universidad Nacional, Bogotá, Colombie
Victor de Currea-Lugo, médecin, journaliste, professeur d'université, Bogota, Colombie
 Juan Manuel Arango, journaliste, journal Clarín, Colombie
Blanca Merz, conseillère municipale, Altona, Hambourg, Allemagne.
Mauricio Vidales, poète et chroniqueur, Hambourg, Allemagne.
Eleazar Plaza, écrivain, éditeur, directeur de Rosa Blindada Ediciones, Cali, Colombie
 Alberto Aguilera, historien, chercheur spécialiste de Simón Bolívar, Cali, Colombie
 Juan Diego García, écrivain, Colombie
 Matilde E. Trujillo U., libre-penseuse, éducatrice populaire, Cali, Colombie
Luis Alfonso Mena, journaliste, avocat, historien, directeur de Periodismo Libre Cali.
Ildebrando Arévalo, historien, analyste international, professeur ESAP, Cali, Colombie
 Luis Carlos Domínguez Prada, avocat, écrivain, défenseur des droits humains, Bogota, Colombie
 Manuel Caicedo Paz, libre penseur, activiste sociopolitique, Cali, Colombie
 José Urbano, réalisateur de documentaires, Cali, Colombie
 Carlos Fuentes Delgado, ingénieur métallurgiste, professeur d'université, Cali, Colombie
 Iván Enrique Chaves, travailleur de la santé, retraité, Cali, Colombie
Harold Adolfo Ortíz Calero, magister en sciences politiques, docteur en philosophie, Cali, Colombie
 Henry Montesdeoca, auteur-compositeur-interprète, Cali, Colombie
María Piedad Ossaba, journaliste indépendante, directrice de La PLuma, Paris, France.
Mario Ossaba, peintre, sculpteur, Paris, France.
 Liliam Eugenia Gómez Álvarez, agronome, Docteure en Sciences biologiques, Medellín, Colombie
 David López, juriste, directeur de AIDHES, Suisse.
 Álvaro Lopera, journaliste et ingénieur, Medellín, Colombie
 Eliécer Jiménez Julio, journaliste en exil à Genève, Suisse.
 Evelio Loayza, médecin et défenseur des droits humains, CPDH, Cali, Colombie
Alcides Lesmes, syndicaliste, défenseur des droits humains, exilé de l'Union Patriotique, Valence, Espagne.
 José Manuel Gómez, exilé politique de l'UP, Genève, Suisse.
Zoilo Angulo Ríos, agronome, doctorant, Valence, Espagne.
Nelson Restrepo Arango, avocat, défenseur des droits humains, exilé, Madrid, Espagne.
 Jaime Jiménez García, historien, avocat, Medellín, Colombie
 Carlos Arturo Velandia, promoteur de paix, Medellín, Colombie
Patricia Quintero, enseignante en exil en Belgique.
André Veraart, retraité, Belgique.
Cecilia Saavedra Ruiz, journaliste, directrice de la coopérative Zuma Qamana, Bogota, Colombie
Rodrigo Vargas, défenseur des droits humains, CPDH, Cali, Colombie
Heidy Rojas, technologue de projet, défenseure des droits humains, CPDH, Cali, Colombie
Jovanny Rojas, défenseur des droits humains, combattant démobilisé, signataire de l’accord de paix des FARC-EP, Cali, Colombie
Milton Luna, enseignant, diplômé en chimie, Cali, Colombie
Elías Díaz, écrivain, Cali, Colombie
 Diego Gil, écrivain, Cali, Colombie
 Ana Ruth Mejía, architecte, Cali, Colombie
 Yamil Gutiérrez, philosophe, Cali, Colombie
 Stella Jane Potes Cortés, artiste, Cali, Colombie
Jairo Ramírez Benjumea, psychologue social UNAD, Cali, Colombie
 Pablo Angarita, acteur, dramaturge, metteur en scène, Cali, Colombie
 Margarita María Aristizábal Ariza, anthropologue, Cali, Colombie
 Hugo Sánchez, gestionnaire culturel, directeur du Café Cinema, Bogotá, Colombie
Luna Vera, actrice, gestionnaire culturelle, activiste, Bogota, Colombie
 Aleida Tabares Montes, actrice, dramaturge, metteur en scène, poètesse. Bogota, Colombie
 María Catalina Hurtado, licenciée en sciences sociales, Cali, Colombie
 Clemencia Gálvez, professeure de littérature, poètesse. Cali, Colombie
 José Figueroa Fernández, vidéaste, exilé à Bruxelles, Belgique.
 María Fernanda Quintero, géographe, chercheuse Territorio y Población, Bogotá, Colombie
 Miguel Hernández Chavarro, ingénieur industriel, Bogota, Colombie
Javier Meza Lagrancurth, ingénieur pétrolier, Santa Marta, Colombie
 Marco Alfredo Forero Parra, avocat, Bogota, Colombie
 Luis Eduardo Agudelo Caro, retraité, Bogota, Colombie
Eduardo Duplat Sanjuan, combattant démobilisé du M19, Cúcuta, Colombie
 Iván Bocanegra, ingénieur en mécanique, Corinto, Colombie
 Adolfo León Arciniegas Martínez, apiculteur, Palmira, Colombie
 Mauricio Domínguez Caicedo, professeur d'université, Cali, Colombie
 Alfredo Martínez Vásquez, médecin vétérinaire, Cali, Colombie
 Francia Elena Prado Cedano, avocate, Cali, Colombie
Jorge Kujar, artiste plasticien, Cali, Colombie
Jesús Alberto Gómez, architecte, Cali, Colombie
José Ramírez, exilé du M19 en Espagne.
 Walter Tello, artiste, Cali, Cali, Colombie
 Beatriz Eugenia Hurtado, artiste, Cali, Colombie
 Marta Inés Hurtado, poète, Cali, Colombie
Harrinson Riascos Torres, ingénieur système, Hambourg, Allemagne.
Victor Edgar Vélez Giraldo, artiste paysan, Palmira, Colombie
 Edgar Aníbal Roa Zamora, dirigeant social, Cali, Colombie
Ángela María Quintero, psychologue, Dr. de l’Université de Valence, Espagne.
Emely Marín, avocate spécialisée dans les droits humains, Valence, Espagne.
Willie Milton Hostos Álvarez, artiste visuel, Valence, Espagne.
 María Cristina Palacio, sociologue, spécialiste des politiques publiques, Manizales, Colombie
 Gladys Giraldo, psychologue, Medellín, Colombie
 Alba Nora Aristizábal, avocate spécialisée dans les droits humains, Manizales, Colombie
 Amparo Mejía Arbeláez, sociologue, Manizales, Colombie
David Marcelo Idarraga, publicitaire, Barcelone, Espagne.
Pietro Alfonso Schiavo, entraîneur de football, Cologne, Allemagne.
Sara García, économiste, Valence, Espagne.
 Rafael Escobar, publicitaire, Cali, Colombie
Anilsa Caicedo Salazar, avocate, Universidad Nacional, Bogotá, Colombie
Jairo Restrepo, journaliste indépendant, USA
Juan Carlos García Rivera, anthropologue, Universidad Nacional, Bogotá, Colombie
Miryam Christel, sociologue, Stuttgart, Allemagne.
 Gloria Mesa, licenciée en philologie anglaise, retraitée, Manizales, Colombie
María Carolina Estepa Becerra, avocate, Bogotá, Colombie
Juan Pablo Estupinan, avocat, Bogota, Colombie
 Blanca Lucía Mera, avocate, Procuraduría, Bogota, Colombie
 Francia Elena Correa, psychologue, Manizales, Colombie
 Luz Marina Cruz Pérez Cruz, psychologue, Pereira, Colombie
María Emma Rodriguez Mosquera, activiste sociale, Cali, Colombie
 Johanna María López, infirmière en chef, Medellín, Colombie
 Beatriz del Socorro Escobar, avocate, Medellín, Colombie
 Silverio Mejía, artiste, Manizales, Colombie
 María Teresa Puerta Marín, activiste sociale, Toronto, Canada.
 
Oswaldo Quintero, avocat, Pereira, Colombie
 Claudia Patricia Gómez, assistante sociale, Bogota, Colombie
Silvia Zuleta, activiste sociale, Barcelone, Espagne.
 
Martha Isabel Povea de Caicedo, enseignante à la retraite, Armenia, Colombie
Laura Vargas, employée, Valence, Espagne.
 Stella García, administratrice d'entreprise, Cali, Colombie
 Patricia Duque, thérapeute en médecine traditionnelle orientale, Cali, Colombie
 César A. Duque Córdoba, avocat, fonctionnaire, Cali, Colombie
Yira Bolaños Arturo, coordinatrice du projet de réintégration et de réconciliation, bureau du maire de Cali.
Patricia González, administratrice d'entreprise, Cali, Colombie
 Daniela Córdoba, professionnelle du commerce international, Cali, Colombie
 Silvia María Salazar Giraldo, avocate, défenseur des droits humains, Cali, Colombie
 Rosalba Hernández, commerçante indépendante, Cali, Colombie
 Esperanza Cerón, médecin, Cali, Colombie
 Elizabeth Cubaque, dirigeante populaire, Ciudad Bolivar, Bogota, Colombie
 Santiago Duque, ouvrier, Cali, Colombie
Ángela Liliana Mazuera León, psychologue, diplômée en philosophie, défenseure des droits humains, Cali, Colombie
Pilar Orozco, psychologue, Cali, Colombie
Lisandro Duque Naranjo, cinéasta, chroniqueur et écrivain


 

 

18/10/2023

Betsabé et les 400 demoiselles qui montèrent à l’assaut du ciel
Conférence de Reinaldo Spitaletta à Paris le 24/10/2023

 

,

Conférence de Reinaldo Spitaletta sur la première grève de femmes ouvrières en Colombie

Mardi 24 Octobre 2023
18h 30
POI, 87, rue du Faubourg Saint-Denis – 75010 Paris
M° Château d’Eau ou Gare de l’Est

Reinaldo Spitaletta est un écrivain colombien, auteur d’une trentaine de livres (romans, essais, reportages). Historien de formation, il écrit et parle sur l’histoire de sa ville, Medellín, qu’il photographie depuis des années. Il est aussi professeur, conférencier, animateur d’ateliers, initiateur de travaux sur la mémoire de sa commune d’origine, Bello. Il tient aussi une chronique hebdomadaire dans le quotidien El Espectador et anime une émission de radio locale.

Son dernier roman, Betsabé y Betsabé, que nous vendrons en espagnol et en français à la conférence, raconte l’histoire de Betsabé Espinal, une jeune femme qui a été la porte-parole de la première grève de femmes ouvrières de l’histoire colombienne, appelée la « grève des demoiselles », dans une usine textile de Bello (1920). Sa conférence sera centrée sur Betsabé et la grève, mais abordera des sujets connexes, notamment les grandes figures féminines comme Maria Cano, la socialiste révolutionnaire dont Betsabé était la voisine, et la peintre Débora Arango, elle aussi de Medellín.


 Il donnera aussi un aperçu synthétique sur le syndicalisme en Amérique latine et la place des femmes dans celui-ci.

Un film de 30 minutes sur la grève suivra la conférence.

La conférence, en espagnol, sera traduite simultanément en français.

Zoom
https://us06web.zoom.us/j/86296172943?pwd=VafQg3bkEYpbaxG9uazNHpDZWgPFia.1

ID de réunion: 862 9617 2943
Code secret: 675945

Grève et mort de Mlle Betsabé

01/05/2023

Oto Higuita
Colombie : approfondir le changement ou accélérer le coup d’Etat ?

Oto Higuita, 1/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le triomphe du gouvernement du changement et du pouvoir de la vie, des “rues et des places”, a marqué une rupture historique dans la ligne de continuité des gouvernements traditionnels de la bourgeoisie. Pour la première fois dans l’histoire de la république, un président est élu qui, d’une part, représente un large mouvement populaire et des citoyens libres et, d’autre part, n’est pas issu des partis politiques libéraux et conservateurs, partis avec lesquels la Colombie a été gouvernée par une seule classe, l’oligarchie.

 

-Pourquoi votre réforme a-t-elle coulé ?
-Petro (aveec l'épée de Bolivar): Parce que je ne l'ai pas élevée
Paternité responsable, par Matador, El Tiempo

 Le gouvernement de l’espoir, comme ils l’appellent, avec un large soutien populaire, a commencé à naviguer dans les eaux turbulentes et polluées de la politique colombienne, comme tout le monde le sait. Il a passé huit mois à essayer de faire adopter un programme de réformes urgentes que la société des exclu·es réclame à cor et à cri ; des réformes qui, sans être les plus radicales et étant conformes à la Constitution, se heurtent à une opposition féroce et à la préparation d’un coup d’État par la classe qui s’est historiquement transformée en narco-oligarchie.

Cette opposition, dépourvue de scrupules et de respect pour les formes et les règles, a utilisé différentes stratégies pour l’épuiser et créer les conditions d’un coup d’État (soft) contre le premier gouvernement qui cherche à réformer l’État corrompu et criminel, au service des mafias, et à lui redonner le caractère d’un État social de droit, tel qu’il est établi dans la Constitution.

 Quiconque connaît et a étudié l’évolution et les changements radicaux qu’a connus l’État colombien au cours des cinq dernières décennies ne peut nier qu’il s’agit d’un État en déliquescence. Un État au service d’une minorité qui s’est emparée et enrichie des biens publics, du budget national, de la foire aux emplois publics, des grandes entreprises et des contrats qu’elle a monopolisés pour ses cercles oligarchiques, ses clients, ses serviteurs et ses laquais.

Cette concentration disproportionnée de la richesse en Colombie entre les mains de quelques-uns a laissé une majorité sans droits constitutionnels, qui souffre d’exclusion, de violence d’État lorsqu’elle proteste, d’extermination systématique, ainsi que de pauvreté massive, de chômage, de manque de services de base, d’accès de qualité à la santé, à l’éducation, à la culture et à un logement décent.

Il ne fait aucun doute que ceux qui s’opposent radicalement au gouvernement de changement sont les véritables facteurs de pouvoir dirigés par les forces politiques vaincues, à l’intérieur et à l’extérieur du pays (l’ingérence et les intérêts de l’impérialisme usaméricain), comme le grand capital, les banques privées, les institutions clés telles que le bureau du procureur général, l’armée et la police, les paramilitaires et les groupes paraétatiques de contre-insurrection qui continuent d’assassiner systématiquement les dirigeants sociaux, le haut clergé et les monstrueux médias capitalistes. Entre-temps, le gouvernement du changement ne peut compter que sur le triomphe électoral et une importante majorité populaire mobilisée.   

Par conséquent, le nouveau cabinet nommé par le président Petro soulève des questions fondamentales sur ce qu’il devra affronter à partir de maintenant, outre l’argument selon lequel ce qui est recherché est un “pacte social” avec toutes les forces politiques, principalement avec celles qui s’opposent radicalement à son mandat, le sabotent et cherchent à lui faire un coup d’État, comme l’a averti le jésuite Javier Giraldo, défenseur renommé des droits humains en Colombie. Par conséquent, si le gouvernement cherche à briser le siège dans lequel l’oligarchie l’a encerclé, en utilisant toutes les formes et tous les moyens de lutte politique, la seule chose garantie est que d’autres attaques se produiront, et nous ne savons guère comment, quoi et quand elles se produiront.

C’est pourquoi nous - mouvement populaire, citoyens libres et peuple mobilisé - devons être extrêmement vigilant
·es, pour reprendre immédiatement les rues et revenir à la lutte populaire et extraparlementaire, comme cela a été fait lors de la grève nationale du 28 avril 2021, qui est rapidement devenue l’explosion sociale la plus redoutée en Colombie depuis des décennies. 

Les profils des nouveaux membres du cabinet se caractérisent par leur parcours académique impeccable, leur expérience et leur spécialisation dans les questions liées aux postes auxquels ils ont été nommés, mais surtout, la plupart d’entre eux font partie du cercle de confiance du président, ayant déjà travaillé avec lui à la mairie de Bogota ou lorsqu’il était sénateur. Mais il y a aussi le contingent de convertis des partis traditionnels comme le ministre de l’intérieur, libéral, ancien sénateur (Luis Fernando Velasco) qui se trouve depuis quelques années dans le camp dissident de ce parti traditionnel ; un ministre des TIC (Mauricio Lizcano) fils d’un leader politique libéral corrompu du Caldas, héritier d’une énorme tradition politichienne ; et même un ministre de la Santé (Guillermo Alfonso Jaramillo) qui est médecin, chirurgien cardio-pédiatre et ancien gouverneur de Tolima sous le gouvernement de Virgilio Barco (libéral, 1986-1990).

Sans aucun doute, le fait d’avoir offert la tête de la ministre de la Santé Carolina Corcho sur un plateau d’argent à la droite, qui sabote les réformes urgentes dont le pays a besoin, relève davantage de la vieille stratégie d’un pas en avant et deux pas en arrière, avec l’idée de créer les conditions d’une nouvelle alliance de classe ou d’un pacte social, en cherchant un allié qui, peut-être, n’est pas au parlement mais dans les rues et dans les champs. 

Ce coup de barre à la tête du pays sans boussole est certainement le résultat de la tentative du gouvernement de faire passer en urgence une réforme vaste et profonde qui, en raison de la nécessité de créer des accords avec l’opposition pour la faire passer, est déjà en train de brinquebaler.

La question qui se pose est la suivante : quelle est la différence entre le nouveau cabinet et le précédent ? Elle semble être plus formelle que substantielle. Le pacte social que le gouvernement propose aujourd’hui n’est pas défini par un remaniement ministériel, la nouvelle alliance de classe qui est proposée est définie en termes concrets par un rapport de forces qui, dans les conditions actuelles, se situe en dehors du parlement bourgeois. Un parlement qui, en raison des majorités fragiles et incertaines auxquelles il est exposé, n’offre aucune garantie réelle pour la formation d’un gouvernement solide et cohérent qui apportera le changement tant attendu.

Par ce geste, le président Gustavo Petro s’éloigne du sujet politique, le seul véritable facteur de pouvoir, parmi d’autres, qui puisse briser l’état d’inertie et de stagnation du processus dans lequel la Colombie est plongée. Peut-être est-il convaincu que c’est à partir du parlement, aussi usé et illégitime soit-il, qu’il doit continuer à insister sur la recherche d’une majorité relative en faveur de la réforme, même si cette alliance de classe n’est pas en réalité une garantie pour y parvenir, et qu’au contraire, elle n’est qu’une stratégie de plus pour l’affaiblir encore davantage.

Ce n’est pas en mettant un autre collier au même chien que l’on obtiendra des changements. Cette alliance de classe dépendra toujours de la somme de tous les facteurs réels de pouvoir, et les facteurs concrets et existants, à l’exception du peuple mobilisé et du mouvement populaire, ne sont pas du côté du changement, mais du continuisme oligarchique qui ne cherche qu’à mettre fin au nouveau gouvernement, même si celui-ci a la légitimité des votes qui l’ont élu, mais pas une majorité parlementaire suffisante pour vaincre les forces qui ont gouverné la Colombie par la thanatopolitique.

En outre, il reste à voir si le pronostic de certains cadres oligarchiques, qui ont affirmé que Petro est le meilleur pompier de Colombie pour éteindre le volcan en ébullition qu’est la société colombienne, se réalisera. Cela ne sera possible que si la patience du peuple tient bon et n’explose pas n’importe quand, face à un événement inattendu ou sciemment provoqué.

Déjà, certains secteurs de la jeunesse, en particulier le secteur étudiant, commencent à ne plus croire un gouvernement qui a fait des changements mais qui les a laissés seuls et oubliés (à l’exception des dettes auprès d’ ICETEX [Institut colombien de crédit éducatif et d'études techniques à l'étranger, qui donne des prêts d’études ; le gouvernement a effacé les dettes de 8 000 étudiants, NdT] et de la promesse de plus d’universités et de financements), un gouvernement qui a sans doute pris des décisions qui favorisent les secteurs populaires (la prime ou le revenu pour les 3 millions de femmes cheffes de famille), a remis des biens confisqués à la mafia à des familles victimes de déplacements et d’expropriations, a fait preuve de détermination et de résultats dans la lutte contre le trafic de drogue, mais n’a toujours pas rempli d’autres points importants du programme de changement.

Des dizaines de jeunes qui ont participé au soulèvement social du 28 avril en 2021 sont toujours en prison. Ce n’est qu’un exemple du mécontentement croissant des secteurs qui ont contribué au changement par le biais de la lutte populaire et extraparlementaire, et qui commencent à douter de la capacité de manœuvre et de décision d’un gouvernement faible et qui s’éloigne des secteurs et du mouvement social. La soi-disant paix totale avance avec beaucoup d’obstacles, tandis que l’extermination quotidienne des leaders sociaux se poursuit. Et la question de la terre pour réaliser l’accord de paix non respecté avec les ex-FARC continue de s’enliser parce que l’aile droite est enracinée, armée et déterminée à empêcher une véritable réforme agraire en Colombie, tandis que le gouvernement avance comme une tortue, l’aile droite des paramilitaires et propriétaires terriens se déchaîne. 

Après le triomphe colossal et historique, il semble que nous ayons été anesthésiés par la croyance que tout serait résolu avec un nouveau gouvernement pour le changement et pour la vie ; alors que ce que nous avons vu, c’est que l’exercice de la gouvernance à partir d’un État décomposé et d’un parlement illégitime qui, en outre, représente les intérêts d’une classe assoiffée de sang, n’est rien d’autre qu’une répétition de la même chose.

22/02/2023

REINALDO SPITALETTA
Colombie, 23 février 1963 : le massacre de Santa Barbara

Reinaldo Spitaletta  La Pluma, 21/2/ 2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
Le massacre de Santa Bárbara semblait avoir été préparé à l'avance. Ce samedi 23 février, à la tombée de la nuit, l'armée, devant la tente des grévistes, voulait enlever les camions-bennes de matériel pour les conduire à Medellín. Tel avait été l'ordre officiel. Alors, non seulement les travailleurs, mais aussi d'autres habitants, se sont opposés.

Le 23 janvier 1963, au plus fort du Front national d'exclusion, la grève des travailleurs de Cementos El Cairo a éclaté à Santa Bárbara, Antioquia. Avant même l'arrêt de travail, l'armée avait occupé les installations de l'usine non seulement pour briser la grève, mais aussi pour soutenir le travail de certains briseurs de grève et pour transporter à Medellín le clinker, matière première extraite pour alimenter Cementos Argos. 

Santa Barbara, 1963, œuvre d'Augusto Rendón 

 C'était l'époque de l'agitation ouvrière dans le pays, de l'état de siège et de la répression par le gouvernement de ce qu'on appelait le “communisme”, c'est-à- dire les luttes ouvrières et paysannes, les luttes étudiantes, les revendications syndicales pour de meilleures conditions de vie des travailleurs. Le deuxième mandat du Front nationall, dirigé par Guillermo León Valencia, le même président conservateur qui, quelque temps après les événements de Santa Bárbara, a ordonné le bombardement de vastes zones paysannes, comme El Pato, Guayabero, Marquetalia et autres, avec l'ingérence des USA. Ces événements seront l'une des causes de la fondation d'un groupe de guérilla, les FARC. 
Ce que l'on appelait alors “anticommunisme”, l'une des caractéristiques politiques et maccarthystes du Front national, était directement lié à la répression de la protestation sociale, à la mise hors la loi des grèves de travailleurs, à l'intimidation des travailleurs pour qu'ils renoncent à la syndicalisation, aux conseils verbaux de guerre, parmi de nombreux autres mécanismes de coercition et de restriction des libertés publiques et individuelles. 
Les cimentiers de Santa Bárbara, qui avaient respecté toutes les étapes légales menant à la déclaration de la grève, ont prévenu qu'ils ne permettraient pas que le stock de matériaux de l'entreprise soit retiré, car de telles actions, déjà préméditées par le gouvernement et les employeurs, affaibliraient le mouvement de grève. Les autorités, comme le gouverneur d'Antioquia, Fernando Gómez Martínez, le ministre du Travail, Belisario Betancur et les patrons de l’usine , pensaient tout autrement. 
La grève s'est poursuivie pendant le premier mois, avec la solidarité des paysans, des habitants de la région, des syndicats, ainsi que la tension causée par la présence de l'armée et la position intransigeante des patrons et du gouvernement qui voulaient à tout prix retirer le clinker. 
Une action de force se préparait contre les travailleurs et leur grève. Le 23 février 1963, un mois après la déclaration de la grève, a lieu l'une des répressions les plus sanglantes des travailleurs en Colombie, une ignominie qui, comme nous le savons, n'est pas nouvelle. En 1928, il y avait eu l'effroyable massacre des travailleurs des bananeraies à Ciénaga, dans le Magdalena.

Le monument aux martyrs

Le massacre de Santa Barbara semblait avoir été préparé à l'avance. Ce samedi 23 février, à la tombée de la nuit, l'armée, devant la tente des grévistes, voulait enlever les camions-bennes de matériel pour les conduire à Medellín. Tel avait été l'ordre officiel. Alors, non seulement les travailleurs, mais aussi d'autres habitants, se sont opposés. Et c'est là que les tirs ont commencé. 
Douze personnes ont été tuées : Pastor Cardona, Rafael Antonio González, Luis Ángel Holguín, ouvriers de Cementos El Cairo ; Luis Ángel Ruiz Villada, ouvrier de Cemento Argos ; les paysans Rubén de Jesús Pérez Arango, Joaquín Emilio Román Vélez et Luis Esteban Serna Villada ; Jesús Román, José de Jesús Suaza, Juan María Holguín Henao et Israel Antonio Vélez Díaz, habitants de Santa Bárbara ; et la petite María Edilma Zapata, 10 ans, élève de l'école María Auxiliadora et fille de l'ouvrier et syndicaliste Luis Eduardo Zapata. 
Avant le massacre, il y a eu une discussion entre les grévistes et le commandant de l'opération, le colonel Armando Valencia Paredes, qui a dit aux travailleurs qu'il avait des ordres du gouverneur d'Antioquia, Fernando Gómez Martínez de transporter le clinker et le ciment "par-dessus les morts si nécessaire". Les travailleurs ont occupé la route pour empêcher les camions-bennes de passer, et la réponse pénale de l'État a suivi. Dès le début, selon la thèse La masacre de Santa Bárbara, 23 de febrero de 1963, de Germán Andrés Jáuregui, la grève des cimentiers n'a pas été traitée par les autorités comme un problème de travail, mais comme un conflit d'ordre public.


La Sainte Alliance : le gouverneur Fernando Gómez Martínez, patron du journal El Colombiano, et ses deux piliers, la soldatesque et la curetaille

Les soldats ont également tiré sur le personnel médical de l'hôpital de Santa Bárbara lorsqu'ils se sont aperçus que des photographies étaient prises depuis les fenêtres. Après avoir forcé l'entrée du bâtiment, ils ont pris les rouleaux de film des médecins Juvenal Rojas et Alberto Mondragón. Il y eut des persécutions de paysans, d'ouvriers et d'habitants de la région, à travers les plantations de café, les montagnes et les ravins. La terreur officielle s'est répandue dans cette partie d'Antioquia. 
Des années plus tard, le dramaturge Jairo Aníbal Niño a monté, avec la Brigada de Teatro, une pièce sur le massacre de Santa Bárbara, qui a été censurée à Medellín. À la fin des années 1970, les murs de nombreuses régions d'Antioquia ont été peints avec le slogan : « Belisario, assassin des travailleurs de Santa Bárbara ». Le massacre a eu lieu il y a soixante ans. Il ne faut pas l'oublier.

15/11/2022

REINALDO SPITALETTA
Grève et mort de Mlle Betsabé


Reinaldo Spitaletta, Chapeau de magicien, El Espectador, 15/11/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Quatre cents demoiselles, tisseuses, ourdisseuses, rebelles, certaines adolescentes, d'autres encore enfants, certaines déjà « grandes », sont passées dans l'histoire de la Colombie comme les protagonistes de la première grève dans le pays, à l’aube des fameuses « années folles et heureuses ». Elles mettaient en application la loi récente, n° 78 de novembre 1919, qui consacrait le droit de grève, à une époque où artisans (tailleurs, cordonniers), ouvriers, mineurs, cheminots avaient déjà fait entendre leur voix de protestation et mené des grèves contre deivers abus en matière de travail.

Mais ce sont les travailleuses de la Fabrique de Tissus de Bello (qui eut d'autres raisons sociales) qui, avec leur grève de vingt et un jours (commencée le 12 février 1920), furent inscrites dans l'histoire de la dignité et des combats prolétariens. Betsabé Espinal, leur principale dirigeante, était une « petite négresse futée », jolie, fille « naturelle » de Celsa Julia Espinal, et avec un caractère et une personnalité redoutables pour remettre à leur place les patrons de l'usine et trois contremaîtres, qui faisaient chanter et persécutaient les ouvrières.

Les filles de la boîte (première usine du secteur fondée dans la Vallée d'Aburrá) se soulevèrent contre la tyrannie du gérant Emilio Restrepo Callejas, alias Paila, dont, des années avant le formidable déclenchement de la grève, Carlos E. Restrepo (un autre actionnaire de l'entreprise) s'était plaint de l’autoritarisme et de l’arrogance, et contre les manœuvres grossières de trois contremaîtres qu'elles avaient baptisés « caciques ».

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23/09/2022

« Sans la paix avec la planète, il n'y aura pas de paix entre les nations »
Discours historique du président Gustavo Petro à l'Assemblée générale des Nations unies

 Gustavo Petro, Nations unies, 20 septembre 2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

M. le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, Vos Excellences, Chefs d'État et Chefs de Mission accrédités à la 77ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Mme la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies, Amina Mohammed, à vous toutes et  tous.

Je viens de l'un des trois plus beaux pays du monde.

Il y a là-bas une explosion de vie. Des milliers d'espèces multicolores dans les mers, dans les cieux, dans les terres... Je viens du pays des papillons jaunes et de la magie. Là, dans les montagnes et les vallées de tous les verts, non seulement les eaux abondantes coulent, mais aussi les torrents de sang. Je viens d'un pays à la beauté ensanglantée.

Mon pays n'est pas seulement beau, il est aussi violent.

Comment la beauté peut-elle se conjuguer avec la mort, comment la biodiversité de la vie peut-elle éclater avec les danses de la mort et de l'horreur ? Qui est coupable de rompre le charme avec la terreur ?

Qui ou quoi est responsable de noyer la vie dans les décisions routinières de la richesse et de l'intérêt ? Qui nous conduit à la destruction en tant que nation et en tant que peuple ?

Mon pays est beau parce qu'il a la jungle amazonienne, la jungle du Chocó, les eaux, la cordillère des Andes et les océans.

Dans ces forêts, de l'oxygène planétaire est émis et le CO2 atmosphérique est absorbé. L'une de ces plantes absorbant le CO2, parmi des millions d'espèces, est l'une des plus persécutées sur terre. On cherche à tout prix à la détruire : c'est une plante amazonienne, la coca, la plante sacrée des Incas.

Comme à un carrefour paradoxal, la forêt qu’on tente de sauver est, en même temps, détruite.

Pour détruire la plante de coca, on jette des poisons et du glyphosate dans l'eau, on arrête les cultivateurs et les emprisonnent. Pour avoir détruit ou possédé la feuille de coca, un million de Latino-Américains sont tués et deux millions d'Afro-Américains sont emprisonnés en Amérique du Nord. Détruisez la plante qui tue, crient-ils depuis le Nord, mais la plante n'est qu'une plante de plus parmi les millions qui périssent lorsqu'ils déclenchent le feu contre la jungle.

Détruire la forêt, l'Amazonie, est devenu le mot d'ordre suivi par les États et les commerçants. Peu importe le cri des scientifiques qui désignent la forêt tropicale comme l'un des grands piliers climatiques. Pour les rapports de force du monde, la forêt tropicale et ses habitants sont à blâmer pour le fléau qui les frappe. Les relations de pouvoir sont rongées par l'addiction à l'argent, pour se perpétuer, au pétrole, à la cocaïne et aux drogues les plus dures afin de s'anesthésier davantage.

Rien n'est plus hypocrite que le discours pour sauver la forêt tropicale.

La forêt tropicale brûle, messieurs, pendant que vous faites la guerre et jouez avec elle. La forêt tropicale, pilier climatique du monde, disparaît avec toute sa vie. La grande éponge qui absorbe le CO2 planétaire s'évapore. La forêt salvatrice est considérée dans mon pays comme l'ennemi à vaincre, comme la mauvaise herbe à éradiquer. L'espace de la coca et des agriculteurs qui la cultivent, parce qu'ils n'ont rien d'autre à cultiver, est diabolisé. Vous ne vous intéressez à mon pays que pour jeter des poisons dans ses jungles, mettre ses hommes en prison et jeter ses femmes dans l'exclusion. Vous ne vous intéressez pas à l'éducation des enfants, mais au fait de tuer leurs forêts et d'extraire du charbon et du pétrole de ses entrailles. L'éponge qui absorbe les poisons est inutile, on préfère jeter davantage de poisons dans l'atmosphère.

Nous leur servons d’excuse pour le vide et la solitude de leur propre société qui les conduit à vivre dans les bulles de la drogue. Nous leur cachons leurs problèmes qu'ils refusent de réformer. Il est préférable de déclarer la guerre à la forêt, à ses plantes, à ses habitants.

Pendant qu'ils laissent brûler les forêts, pendant que les hypocrites chassent les plantes avec des poisons pour cacher les désastres de leur propre société, ils nous demandent toujours plus de charbon, toujours plus de pétrole, pour calmer l'autre addiction : celle de la consommation, du pouvoir, de l'argent.

Qu'est-ce qui est le plus toxique pour l’humanité : la cocaïne, le charbon ou le pétrole ? Les diktats du pouvoir ont ordonné que la cocaïne est le poison et qu'il faut la persécuter, même si elle ne provoque que des morts minimes par overdose, et plus par les mélanges provoqués par son statut clandestin, mais que le charbon et le pétrole doivent être protégés, même si leur utilisation peut provoquer l’extinction de l'humanité entière. Ce sont les choses du pouvoir mondial, les choses de l'injustice, les choses de l'irrationalité, parce que le pouvoir mondial est devenu irrationnel.

Ils voient dans l'exubérance de la jungle, dans sa vitalité la luxure, le péché ; l'origine coupable de la tristesse de leurs sociétés, imprégnées de la compulsion illimitée de l'avoir et du consommer. Comment cacher la solitude du cœur, sa sécheresse au milieu de sociétés sans affection, compétitives au point d'emprisonner l'âme dans la solitude, sinon en la rendant responsable de la solitude de leurs sociétés, qui sont imprégnées de la compulsion illimitée d'avoir et de consommer. Comment cacher la solitude du cœur, sa sécheresse au milieu de sociétés sans affection, compétitives au point d'emprisonner l'âme dans la solitude, sinon en accusant la plante, l'homme qui la cultive, les secrets libertaires de la forêt. Selon le pouvoir irrationnel du monde, ce n'est pas la faute du marché qui réduit l'existence, c'est la faute de la forêt et de ceux qui l'habitent.

Les comptes bancaires sont devenus illimités, l'argent épargné des personnes les plus puissantes de la planète ne peut même pas être dépensé au long de siècles. La tristesse de l'existence produite par cet appel artificiel à la compétition est remplie de bruit et de drogues. La dépendance à l'argent et à l'avoir a un autre visage : la dépendance à la drogue chez les perdants de la compétition, chez les perdants de la course artificielle en laquelle l'humanité s'est transformée. La maladie de la solitude ne sera pas guérie par du glyphosate sur les jungles. Ce n'est pas la jungle qui est à blâmer. Le coupable est leur société éduquée dans la consommation sans fin, dans la confusion stupide entre consommation et bonheur qui permet, oui, aux poches du pouvoir de se remplir d'argent.

Ce n'est pas la jungle qui est à blâmer pour la toxicomanie, c'est l'irrationalité de votre pouvoir mondial.

Donnez un coup de raison à votre pouvoir. Rallumez les lumières du siècle.

La guerre contre la drogue dure depuis 40 ans, si nous ne rectifions pas le tir et qu'elle se poursuit pendant 40 ans encore, les USA verront 2 800 000 jeunes mourir d'overdoses de fentanyl, qui n'est pas produit dans notre Amérique latine. Elle verra des millions d'Afro-Américains emprisonnés dans leurs prisons privées. L’Afro emprisonné deviendra le fonds de commerce des entreprises pénitentiaires, un million de Latino-américains de plus seront assassinés, nos eaux et nos champs verts seront remplis de sang, le rêve de la démocratie mourra dans mon Amérique comme dans l'Amérique anglo-saxonne. La démocratie mourra là où elle est née, dans la grande Athènes d'Europe occidentale.

Pour avoir caché la vérité, vous verrez la jungle et les démocraties mourir.

La guerre contre la drogue a échoué. La lutte contre la crise climatique a échoué.

La consommation mortelle a augmenté, des drogues douces aux drogues dures, un génocide a eu lieu sur mon continent et dans mon pays, des millions de personnes ont été condamnées à la prison, et pour cacher leur propre culpabilité sociale, ils ont accusé la forêt tropicale et ses plantes. Ils ont rempli les discours et les politiques d'absurdités.

J'exige d'ici, depuis mon Amérique latine meurtrie, la fin de la guerre irrationnelle contre la drogue. La réduction de la consommation de drogues ne nécessite pas de guerres, elle nécessite que nous construisions tous une société meilleure : une société plus solidaire, plus affectueuse, où l'intensité de la vie sauve des dépendances et des nouvelles formes d'esclavage. Voulez-vous moins de drogues ? Pensez à moins de profit et à plus d'amour. Pensez à un exercice rationnel du pouvoir.

Ne touchez pas avec vos poisons la beauté de ma patrie. Aidez-nous sans hypocrisie à sauver la forêt amazonienne pour sauver la vie de l'humanité sur la planète.

Vous avez réuni les scientifiques, et ils ont parlé avec raison. Avec les mathématiques et les modèles climatologiques, ils ont dit que la fin de l'espèce humaine était proche, que ce n'est plus une question de millénaires, ni même de siècles. La science a déclenché les sonnettes d'alarme et nous avons cessé de l'écouter. La guerre a servi d'excuse pour ne pas prendre les mesures nécessaires.

Quand il fallait agir, quand les discours ne servaient plus à rien, quand il était indispensable de mettre de l'argent dans des fonds pour sauver l'humanité, quand il fallait sortir au plus vite du charbon et du pétrole, ils ont inventé guerre après guerre après guerre. Ils ont envahi l'Ukraine, mais aussi l'Irak, la Libye et la Syrie. Ils ont envahi au nom du pétrole et du gaz.

Ils ont découvert au XXIe siècle la pire de leurs addictions : l'addiction à l'argent et au pétrole.

Les guerres leur ont servi d'excuse pour ne pas agir contre la crise climatique. Les guerres leur ont montré à quel point ils sont dépendants de ce qui va tuer l'espèce humaine.

Si vous voyez des gens affamés et assoiffés qui migrent par millions vers le nord, là où se trouve l'eau, alors vous les enfermez, construisez des murs, déployez des mitrailleuses, tirez sur eux. Vous les expulsez comme s'ils n'étaient pas des êtres humains, vous reproduisez au quintuple la mentalité de ceux qui ont créé politiquement les chambres à gaz et les camps de concentration, vous reproduisez à l'échelle planétaire 1933. Le grand triomphe de l'assaut contre la raison.

Ne voyez-vous pas que la solution au grand exode déclenché vers vos pays est de revenir à ce que l'eau remplisse les rivières et que les champs se remplissent d’aliments ?

La catastrophe climatique nous remplit de virus qui nous envahissent, mais vous faites des affaires avec les médicaments et transformez les vaccins en marchandises. Vous proposez que le marché nous sauve de ce que le marché lui-même a créé. Le Frankenstein de l'humanité consiste à laisser le marché et la cupidité agir sans planification, en abandonnant les cerveaux et la raison au marché. En agenouillant la rationalité humaine devant la cupidité.

A quoi sert la guerre si ce dont nous avons besoin est de sauver l'espèce humaine ? A quoi servent l'OTAN et les empires, si ce qui se profile est la fin de l'intelligence ?

La catastrophe climatique va tuer des centaines de millions de personnes et écoutez bien, elle n'est pas produite par la planète, elle est produite par le capital. La cause de la catastrophe climatique est le capital. La logique du rapport à l'autre pour consommer toujours plus, produire toujours plus, et pour certains gagner toujours plus, produit la catastrophe climatique. Ils ont articulé à la logique de l'accumulation étendue, les moteurs énergétiques du charbon et du pétrole et ont déclenché l'ouragan : le changement chimique profond et mortel de l'atmosphère. Maintenant, dans un monde parallèle, l'accumulation élargie du capital est une accumulation élargie de la mort.

Depuis les terres de la jungle et de la beauté, là où ils ont décidé de faire d'une plante de la forêt amazonienne un ennemi, d'extrader et d'emprisonner ses cultivateurs, je vous invite à arrêter la guerre, et à mettre fin à la catastrophe climatique.

Ici, dans cette forêt amazonienne, il y a un échec de l'humanité. Derrière les feux qui la brûlent, derrière son empoisonnement, il y a un échec intégral, civilisationnel, de l'humanité.

Derrière la dépendance à la cocaïne et aux drogues, derrière la dépendance au pétrole et au charbon, se cache la véritable dépendance de cette phase de l'histoire humaine : la dépendance au pouvoir irrationnel, au profit et à l'argent. C'est l'énorme machine mortelle qui peut éteindre l'humanité.

Je vous propose, en tant que président de l'un des plus beaux pays du monde, et l'un des plus ensanglantés et violés, de mettre fin à la guerre contre la drogue et de permettre à notre peuple de vivre en paix.

Je fais appel à toute l'Amérique latine à cette fin. J'appelle la voix de l'Amérique latine à s'unir pour vaincre l'irrationnel qui martyrise nos corps.

Je vous invite à sauver la forêt amazonienne intégralement avec les ressources qui peuvent être allouées globalement à la vie. Si vous n'avez pas la capacité de financer le fonds pour la revitalisation des forêts, si l'argent est plus important pour les armes que pour la vie, alors réduisez la dette extérieure pour libérer nos propres espaces budgétaires et avec eux, accomplissez la tâche de sauver l'humanité et la vie sur la planète. Nous pouvons le faire, nous, si vous, vous ne le voulez pas. Il suffit d'échanger la dette contre la vie, contre la nature.

Je vous propose, et j'appelle l'Amérique latine à faire de même, d'engager le dialogue pour mettre fin à la guerre. Ne nous poussez pas à nous aligner sur les champs de bataille. L'heure est à la PAIX. Que les peuples slaves se parlent entre eux, que les peuples du monde se parlent entre eux. La guerre n'est qu'un piège qui nous rapproche de la fin des temps dans la grande orgie de l'irrationalité.

Depuis l'Amérique latine, nous appelons l'Ukraine et la Russie à faire la paix.

Ce n'est que dans la paix que nous pourrons sauver la vie dans ce pays qui est le nôtre. Il n'y a pas de paix totale sans justice sociale, économique et environnementale.

Nous sommes également en guerre contre la planète. Sans paix avec la planète, il n'y aura pas de paix entre les nations.

Sans justice sociale, il n'y a pas de paix sociale.

        

 

22/06/2022

REINALDO SPITALETTA
Colombie : Gustavo Petro, capitalisme et liberté

Reinaldo Spitaletta, El Espectador, 21/6/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Du discours de victoire, dans lequel Gustavo Petro a prévenu qu'il ne trahirait pas l'électorat, il faut retenir les slogans de ne pas gouverner avec haine ou sectarisme. Ces sentiments, dans une longue histoire de désastres, ont fait couler du sang et des larmes, surtout pour les gens ordinaires, toujours chair à canon et éternelles victimes du pouvoir.

Après la victoire. Photo : DANIEL MUNOZ

Le princier et féodal « quoi que dise Uribe », maître d'une sorte de pays-hacienda pendant plus de 20 ans, semble s'être effondré peut-être pour toujours. Plus de 6 402* raisons ont été répandues pour mettre en échec une domination féroce dans laquelle les droits des travailleurs étaient violés, le pays a été bousillé, des accords de libre-échange léonins ont été signés, le secteur agricole s’est étiolé et le pouvoir latifundiste a eu le champ libre.

Le naufrage de ce navire de pirates, passés maîtres dans la dépossession de milliers de personnes et le maintien de privilèges pour une poignée de caïds oligarchiques, donne la sensation que le jouet du « messie » [Uribe] désormais has been a été réduit en miettes après 40 ans d’outrages.

Avec le triomphe du Pacte historique, un empire de « sortilèges autoritaires », de corruption, de politicaillerie et autres pourritures officielles s'est effondré, du moins en apparence.

On peut dire qu'une période est terminée, même si son influence méphitique n'est pas entièrement morte et que ses tentacules n'ont pas été coupés. Mais le début d'un temps différent est évident, qui, selon les vainqueurs de ces élections débridées, est l'écriture d’« une nouvelle histoire ». Le triomphe électoral de Gustavo Petro et du Pacte historique, avec un vote écrasant, a été le coup de grâce (du moins, c'est ce qu'il semble) à l'uribisme agonisant, dont les râles d’agonie se sont manifestés au cours de cette période infâme de quatre ans.

Pour le seigneur féodal, ça a dû être un direct à la mâchoire. D'échec en échec avec ses « filleuls », d'abord Óscar Iván Zuluaga, qu'il a renvoyé sans ménagement pour le remplacer par Fico [Federico Gutiérrez], un mannequin de ventriloque (semblable à celui qui est encore président de la Colombie, Iván Duque) qui, ayant été battu sans appel, s'est métamorphosé en péquenaud jouant au playboy, admirateur d'un génocidaire et à qui, à ce qu’on a vu, la Vierge (et pas vraiment une Vierge de minuit [titre d’un célèbre boléro]) a fait payer pour ses divagations blasphématoires**.

Que l'on soit d'accord ou non avec le vainqueur de l'élection, dimanche dernier a marqué un chapitre différent de l'histoire électorale colombienne. Un mouvement différent et un candidat différent ont gagné (bien qu'ils aient été rejoints par des personnages aux références moins recommandables), mettant fin à une longue succession de présidents de système, marionnettes d'intérêts étrangers et dont le bilan se résume à ne pas avoir promu de réformes agraires et à avoir maintenu le statu quo au détriment des plus pauvres et des plus oubliés.

Du discours de victoire, dans lequel Gustavo Petro a prévenu qu'il ne trahirait pas l'électorat, il convient de retenir les slogans de ne pas gouverner avec haine ou sectarisme. Ces sentiments, dans une longue histoire de catastrophes, ont fait couler du sang et des larmes, surtout pour les gens ordinaires, toujours chair à canon et éternelles victimes du pouvoir.

Et quand on s'attend le moins à ce qu'un homme politique, et plus encore sous nos latitudes, brandisse des bannières de prédicateurs et de santons, le président élu a parlé d'amour. La nécessité d'une compréhension, d'un dialogue, d'une entente entre les uns et les autres. Et puis, comme un prêtre de village, il a souhaité la bienvenue à l’espérance, une vertu théologique.

Sa position sur le développement du capitalisme en Colombie est en tout cas intéressante, alors qu'en fait, surtout dans les campagnes, il n'y a eu que des expressions d'arriération et d'arriération féodale. « Nous allons développer le capitalisme non pas parce que nous le vénérons, mais parce que nous devons d'abord surmonter la pré-modernité en Colombie, le féodalisme en Colombie, les nouveaux servages et le nouvel esclavage ».

Pour mettre en œuvre le capitalisme et avoir les possibilités d'un marché intérieur, il faut promouvoir la paix. « Plus jamais de guerre ! » ont crié les milliers de personnes présentes à la cérémonie de victoire, tandis que le candidat vainqueur a évoqué la nécessité d'un grand accord national pour construire « un consensus maximal pour une vie meilleure » et pour des réformes, notamment en faveur des jeunes, des femmes et des personnes âgées. « La paix doit être construite comme une garantie des droits des personnes », a-t-il déclaré.

L'ambiance était à l'optimisme collectif, à la liesse populaire, à l'idée qu'une nouvelle ère était en train de naître. Il y a eu des pétards et des sifflets dans de nombreux endroits, ainsi que des blagues sur ceux qui annonçaient qu'ils quitteraient le pays si Petro gagnait. Mais, pas question. Tout le monde restera sûrement, car, comme on le disait en chœur, ici tout le monde gagne du « flouss » et les banquiers, par exemple, ont déjà salué cette élection et « un grand accord national ».

Rien n'a été dit sur la défense de la souveraineté nationale, ni sur le fait que ce pays continuera à être une néo-colonie, ce qui n'est pas une mince affaire. Mais il a été indiqué que ce sera « le gouvernement de la vie, de la paix, de la justice sociale et environnementale ». Le nouveau gouvernement a un énorme défi à relever : combattre l'énorme pauvreté, le chômage, l'informalité, le trafic de drogue et d'autres maux qui frappent le pays. Et un engagement, comme il l'a dit, en faveur de la liberté afin que « plus jamais un gouvernement n'assassine ses jeunes ».

NdT

*6 402 : c’est le nombre, établi par la Juridiction spéciale pour la paix, des « faux positifs » commis par l’armée colombienne entre 2002 et 2008, autrement dit des exécutions extrajudiciaires de personnes présentées comme des guérilléros.

** En avril dernier, « Fico » était allé à Boyacá demander la bénédiction de la Vierge « miraculeuse » de la Basilique de Notre Dame du Rosaire de Chiquinquirá, censée être la sainte patronne du pays.