La parution
récente d’une nouvelle biographie de Frantz Fanon relance les débats sur la
légitimité de la violence des opprimés et sur la nature de l’État d’Israël.
Nous publions la traduction de quatre articles.
Le monde a rattrapé Frantz Fanon, par Adam Shatz...p. 1
Quand le médecin ordonnait la violence comme remède, par Jennifer Szalai…p. 6
Frantz Fanon aurait-il soutenu le massacre du 7 octobre ? Son biographe n’en est pas si sûr, par Etan Nechin…p.10
Qu’est-ce que le “colonialisme de peuplement” [settler colonialism] ?, par Jennifer Schuessler…p. 21
Fabio Merone, docteur en Sciences politiques de
l’université de Gand (Belgique), est chercheur associé au Centre interdisciplinaire de
recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient de l’université Laval (Québec,
Canada). Il travaille sur l’islamisme et le salafisme dans le monde arabe
contemporain. Avec F. Cavatorta, il a édité Salafism after the Arab Awakening: Contending
with People’s Power (Hurst, 2017). Bibliographie
Près
de quarante ans après sa mort, Hassan Abdallah Hamdan (1936-1987), plus connu
sous son nom de guerre Mahdi Amel, reste une référence politique et
intellectuelle pour la gauche libanaise et arabe.
“Lisez Mahdi Amel”, Beyrouth 2019
Hassan
Abdallah Hamdan (1936-1987), plus connu sous le nom de guerre de Mahdi Amel,
était un communiste libanais original qui a été surnommé le “Gramsci arabe”1. Comme le marxiste
italien, Amel a tenté de “nationaliser” le communisme en appliquant les
catégories critiques du marxisme au contexte national2 et en élaborant sur cette base un projet politique et
culturel pour l’émancipation des masses. Il a été assassiné par des milices
islamistes chiites en 1987. Bien que son projet politique ait été partiellement
dépassé par les accords de Taëf de 1989 (qui ont mis fin à la guerre civile
libanaise), il reste le témoignage d’un intellectuel militant et critique qui a
consacré sa vie à lutter contre le système confessionnel libanais et à
poursuivre un véritable projet de libération nationale. C’est aussi pourquoi,
récemment, il est devenu l’un des symboles des jeunes générations de Libanais
qui sont descendus dans la rue en 2017 et 2019 pour renverser l’“État
confessionnel”, ainsi que de tous les Arabes qui ont cherché une voie originale
vers le communisme.
Le contexte historique et l’expérience
de vie d’un intellectuel militant
Le
projet culturel et politique de Mahdi Amel peut être placé dans le contexte
plus général de l’émancipation nationale des intellectuels et des forces
politico-culturelles du Sud, qui se sont engagés dans la construction de
nouvelles sociétés post-coloniales libérées de la dépendance vis-à-vis du
centre capitaliste et de l’hégémonie culturelle occidentale. On peut relier
Amel à la pensée et au parcours politique de Frantz Fanon, qu’il a rencontré en
Algérie et dont il était un admirateur ; à l’intellectuel indien Ranajit Guha,
qui, depuis l’Inde, a introduit Antonio Gramsci dans les études postcoloniales
par le biais de ce que l’on appelle les “études subalternes” ; ou, enfin, à Ali
Shariati, l’intellectuel iranien qui a tenté de fusionner le marxisme avec la
théologie chiite de la libération.
La
caractéristique commune de ces auteurs et de leur projet était qu’ils voulaient
amener la collectivité nationale nouvellement indépendante à un niveau plus
élevé de conscience de soi afin de parvenir à une véritable émancipation
culturelle, politique et économique. En termes plus proprement marxistes, Amel
était intellectuellement un enfant de ce que l’on appelle la “théorie de la
dépendance”, la construction théorique fondamentale sur laquelle raisonnaient
les marxistes arabes et du Sud. Selon cette théorie, le colonialisme avait
unifié le monde dans des relations d’interdépendance, sur la base desquelles le
centre capitaliste dominait et assujettissait la périphérie. Le système
économique des colonies avait été construit de telle sorte que ces pays, une
fois intégrés dans le commerce international, étaient dépendants des centres
financiers et économiques occidentaux, dont les bourgeoisies locales étaient
des sous-produits. Ces dernières, en particulier, étaient “cosmopolites” (au
sens gramscien de “non-nationales”), économiquement dépendantes et
culturellement subordonnées.
De
ce point de vue, tant Fanon et Guha que Shariati avaient appelé à une
construction nationale basée sur une révolution culturelle qui revendiquait la
subjectivité nationale contre l’idéologie coloniale. Amel appartenait à ce type
de courant politico-culturel, mais il savait aussi s’en distinguer. Communiste
militant dès ses années universitaires à Lyon, il profite du climat culturel
fervent des années 1950 et 1960. Il se passionne pour l’historicisme gramscien 3et
utilisera plus tard des concepts tels que “bloc historique”, “idéologie” et “hégémonie”
4. Il est également
influencé par le débat suscité en France et dans le monde communiste par les
révélations de Khrouchtchev au 20econgrès du PCUS
(1956),
qui donnent lieu à une vive controverse entre ceux qui veulent réformer le
marxisme dans une optique humaniste (le marxisme dit occidental) et ceux qui
veulent le réhabiliter dans une optique révolutionnaire.
Amel
a donc vécu dans un climat culturel influencé par Gramsci, Poulantzas et
Althusser, dans lequel le “Sud” a été porté à l’attention des mouvements
gauchistes. D’un point de vue théorique marxiste, cela s’est traduit par une
tentative de reconceptualisation de la catégorie de “mode de production”, en l’adaptant
aux contextes coloniaux et post-coloniaux, un concept sur lequel Amel a
travaillé en particulier dans les années 70 5.
Après
avoir passé une importante période de formation en Algérie (1963-68) 6,
Amel s’est immergé dans la réalité libanaise. De retour dans son pays natal, il
rejoint le Parti communiste libanais (PCL) et en devient un dirigeant
et un idéologue important. Surtout, il commence à élaborer une pensée
originale, conciliant activité théorique et militantisme pratique. Son épouse
Evelyne Brun raconte qu’à cette époque, il était particulièrement impliqué dans
le dialogue avec les planteurs de tabac de la région du Mont-Liban (où un
mouvement de protestation était en cours dans les années 1970) et qu’il
témoignait qu’ « être marxiste, c’est être une personne qui peut apporter
des réponses aux problèmes de la vie de tous les jours » 7. Il a notamment été un
bâtisseur actif de cellules syndicales et populaires au Sud-Liban, où vit
encore aujourd’hui la partie la plus marginalisée de la population libanaise. C’est
à cette époque qu’il commence à être connu sous le nom de Mahdi Amel, nom qu’il
choisit comme pseudonyme pour les articles qu’il écrit dans l’organe du parti, al-Tarīq
(la route/le chemin).
Il
est important de comprendre cette période de son militantisme et de celui du
parti communiste libanais, qui se percevait comme un parti révolutionnaire d’avant-garde
des masses de travailleurs et de subalternes. Ceux-ci tentaient en fait de
réaliser la bataille politique pour l’émancipation nationale par le biais du
militantisme au sein de la population. Les communistes se sont également
identifiés à la question palestinienne et se sont proposés comme l’avant-garde
de la résistance armée contre l’occupation militaire israélienne dans le sud du
pays (1978-82), et le point de jonction du front politique des forces de gauche
et démocratiques contre les droites confessionnelles et fascistes soutenues par
les pays occidentaux et alliées d’Israël.
Il
est évident que le parcours intellectuel et la vie politique d’Amel ont été
marqués par la guerre civile libanaise (1975-1990), qu’il a perçue comme une
occasion de réaliser son projet national de libération du pays du système
confessionnel. Mais cette période est aussi marquée par l’émergence de l’islamisme
chiite (Amal et Hezbollah), qui évince les communistes du
Sud-Liban et se substitue à eux comme force de résistance. Mahdi Amel avait
reconnu un potentiel révolutionnaire dans la communauté chiite libanaise, mais
n’avait pas prévu la montée de l’islamisme en tant que force révolutionnaire
alternative, probablement mieux adaptée que les communistes pour jouer ce rôle.
Il a été assassiné par des miliciens chiites, mettant fin à la vie d’un intellectuel
militant passionné et à l’expérience du parti communiste libanais en tant que
force politique exerçant une certaine influence.
L’État confessionnel et l’idéologie de la bourgeoisie libanaise
La
pensée de Mahdi Amel se caractérise par une réflexion sur la réalité politique
du Liban et du monde arabe. En particulier sur l’État, son appareil
idéologico-hégémonique et le mode de production socio-économique. Mahdi Amel
est en effet célèbre pour les deux principales catégories analytiques que sont
le “mode de production colonial” et l’“État confessionnel”
Il
a annoncé son projet dès ses premières années libanaises, dans l’essai Colonialism
and Backwardness (1968) : « Si nous voulons une pensée marxiste
adaptée à notre réalité et capable d’avoir une perspective scientifique, nous
ne devons pas appliquer cette pensée de manière abstraite, mais plutôt avoir
comme point de départ la spécificité même de notre réalité » 8. Il analyse ensuite le
processus historique de formation de la bourgeoisie coloniale dans son livre Prolégomènes,
dans lequel il pose les bases de sa réflexion théorique 9.
Amel
a comparé les exemples historiques de l’Égypte et du Liban en particulier,
soulignant comment la pénétration coloniale avait empêché le développement d’une
bourgeoisie nationale, alors qu’une classe de propriétaires terriens proto-capitalistes
s’était formée à la fin de la période ottomane. Au Liban, l’entrée dans le mode
de production capitaliste a conduit au développement de la monoculture de la
soie et à l’orientation de l’économie vers le marché international. Cela a
empêché la formation d’une bourgeoisie basée sur l’artisanat local et a conduit
au contraire au développement d’une classe bourgeoise coloniale. Contrairement
à la bourgeoisie européenne, qui s’était initialement formée en tant que classe
révolutionnaire (contre l’aristocratie foncière), la bourgeoisie libanaise
était le résultat d’une relation de subordination économique et politique.
L’analyse
d’Amel s’inscrit dans le débat qui divise alors les communistes arabes entre
ceux qui voient dans la bourgeoisie nationale une force progressiste possible
avec laquelle s’allier, et ceux qui n’y voient qu’un ennemi de classe à
renverser car inéluctablement allié au capital international. L’analyse d’Amel
se voulait plus complexe : en saisissant les deux aspects de la bourgeoisie -
nationale et cosmopolite - il voulait démasquer son appareil idéologique. D’où
la nécessité, dans sa construction théorique, d’une théorie de l’État, qu’il
élabore dans Fī al-dawla al-ṭaifiyya (“De l’État confessionnel”), publié
en 1986, un an avant sa mort.
La
question de la bourgeoisie nationale - son origine confessionnelle et l’appareil
idéologique qui justifie sa domination - a donc constitué l’étape décisive de
son développement théorique. Il écrit : « C’est une erreur de dire que l’idéologie
confessionnelle est l’idéologie de la classe dominante avant les rapports de
production capitalistes, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une idéologie religieuse
ou d’une forme de celle-ci (...). C’est une erreur dans laquelle se trouvent
également certains marxistes » 10. Amel voyait en effet
dans le système confessionnel constitutionnel libanais un instrument
idéologique moderne au service de la domination de la classe bourgeoise et capitaliste,
qui se légitimait à travers lui. Ce système n’avait pas manqué d’être défendu
et propagé par l’intellectuel maronite Michel Chiha, qu’Amel considérait comme
l’idéologue de la bourgeoisie dominante et contre lequel il lançait ses flèches
polémiques, à la manière d’Antonio Gramsci contre Benedetto Croce. Chiha voyait
dans le système confessionnel libanais la garantie du modèle libéral et
démocratique, dans lequel la citoyenneté se réalise dans l’appartenance
communautaire.
Pour
Amel, en revanche, il s’agit d’un “pacte confessionnel” entre les élites des
différentes communautés qui se liguent les unes contre les autres au détriment
de la classe ouvrière de chacune d’entre elles. Le confessionnalisme était
aussi l’instrument de la domination d’une communauté particulière sur toutes
les autres : la communauté maronite minoritaire et dominante contre les
communautés musulmanes subordonnées (la communauté chiite surtout). L’“État
confessionnel” était donc, aux yeux d’Amel, un projet idéologique fonctionnel
aux intérêts politiques et économiques de la classe dirigeante maronite et des
élites interconfessionnelles. Ce système était (et est toujours) basé sur la
division du pouvoir au sein de l’État entre les différentes confessions et le
contrôle politique et économique des différentes élites au sein de chacune d’entre
elles.
Pour
Amel, le véritable projet d’émancipation nationale ne pouvait donc passer que
par la dissolution de ce système et le dépassement de la domination du capital
international. Amel proposait également une plate-forme politique (partagée par
le PCL) qui liait
inextricablement la bataille politique nationale à la cause palestinienne.
Pendant la guerre civile libanaise, en effet, les factions politiques maronites
s’étaient alliées à Israël et aux puissances occidentales contre le front
progressiste et les Palestiniens des camps de réfugiés. Mahdi Amel a enfin mis
en lumière le phénomène de du squadrisme* phalangiste, en le comparant à l’analyse
de Gramsci. Ce dernier avait vu dans le squadrisme fasciste un produit de la
bourgeoisie capitaliste en crise d’hégémonie. Comme à l’époque du fascisme
italien, l’hégémonie du pouvoir bourgeois confessionnel maronite, qui avait été
fondée sur le confessionnalisme idéologique, semblait à Amel en crise de légitimité.
Le Parti communiste et les forces progressistes du pays, réunies dans un “bloc
historique”, devaient donc abattre le pouvoir de la bourgeoisie et le système
confessionnel sur lequel il reposait.
La victoire des islamistes et la “revanche” de Mahdi Amel
Le
Parti communiste libanais et Mahdi Amel ont fini par être victimes de la guerre
civile, dont ils pensaient pouvoir exploiter les contradictions à leur
avantage. Le PCL avait en effet formé un front de résistance contre l’occupation
israélienne au Sud-Liban, avec un certain succès, mais il a ensuite été vaincu
par les forces islamistes chiites émergentes. Amel et d’autres dirigeants
communistes (dont l’intellectuel Hassan Muruwwa) ont été victimes d’une
campagne d’élimination des dirigeants communistes menée par les “forces
obscures” islamistes, probablement soutenues par la Syrie. Le chiisme politique
s’est alors imposé comme une force populaire et a donné un coup d’arrêt
définitif au mouvement communiste libanais.
Les
accords de Taëf de 1989 ont finalement abouti à un résultat différent de celui
préconisé par les révolutionnaires communistes : le système confessionnel, au
lieu de disparaître, a été reconfirmé et renforcé. Le Hezbollah est
devenu une force dirigeante et le chiisme politique a réussi à intégrer la
communauté chiite dans le système politique confessionnel. Si cette solution a
permis de sortir du conflit, la persistance de la crise dans le pays semble
néanmoins avoir confirmé la thèse fondamentale de Mahdi Amel, celle d’un
système confessionnel en crise permanente d’hégémonie.
Les
protestations sociales et juvéniles qui ont éclaté dans le pays en 2017 et 2019
ont donc réévalué les théories d’Amel, qui a ainsi eu sa “revanche” politique
post-mortem. En effet, non seulement les nouvelles générations révolutionnaires
libanaises ont remis la question du dépassement du système confessionnel au
centre de leur programme politique, mais elles ont aussi et surtout fait de la
figure de l’intellectuel marxiste un symbole de leurs espoirs.
NdT
*«
Squadrisme » [de squadra, équipe, escouade, brigade] est le terme par
lequel on désigne les forces paramilitaires luttant par la violence contre les
mouvements sociaux suscités par les socialistes et les communistes après la
Première Guerre mondiale en Italie. Nées avant le fascisme italien, elles en
sont devenues une forme de bras armé. Ces mouvements paramilitaires furent
dirigés par les chefs locaux (les ras, du nom des chefs éthiopiens) des
Faisceaux italiens de combat.
2.Labib, Tahar (2017). “Gramsci
nel pensiero arabo”. In : Manduchi Patrizia, Marchi Alessandra e Vacca Giuseppe
(a cura di). Gramsci nel mondo arabo. Il Mulino. Bologna
3.Sa thèse de doctorat était intitulée : Sujet
et praxis. Essai sur la constitution de l’histoire.
4.Safieddine, H.
(2021). Mahdi Amel : On Colonialism, Sectarianism and Hegemony. Middle East
Critique, 30(1), 41-56.
5.Il convient de rappeler dans ce débat l’importante
contribution du marxiste franco-égyptien Samir Amin qui, dans le sillage du
maoïsme dominant, a revalorisé la périphérie en tant que site de la révolution
mondiale.
6.C’est à cette époque qu’il publie un premier
article pour la revue Révolution Africaine, intitulé « La pensée
révolutionnaire de Franz Fanon ».
8.Cité dans "Dawn
: Marxism and National Liberation" (p.20). Dossier no 37 |
Tricontinental : Institut de recherche sociale, février 2021. La traduction
italienne est de l’auteur de l’article.
9.Amel, M. (2013) Muqaddimat Nazriyya
Li-Dirasat Athar l-Fikr al-Ishtiraki Fi Harakat al-Taharrur al-Watani [Prolégomènes
théoriques à l’étude de l’impact de la pensée socialiste sur le mouvement de
libération nationale] (Beyrouth : Dar al-Farabi).
10.Amel, M. (1986) Fi Al-Dawla al-Ta’ifiyya
[Sur l’État confessionnel] (Beyrouth : Dar al-Farabi), p.24.
Le
Pentagone a enfin publié son premier Airpower Summarydepuis l'entrée en fonction du président Biden
il y a près d'un an. Ces rapports mensuels sont publiés depuis 2007 pour
documenter le nombre de bombes et de missiles largués par les forces
aériennes dirigées par les USA en Afghanistan, en Irak et en Syrie depuis
2004. Mais le président Trump avait cessé de les publier après février 2020, entourant
de secret la poursuite des bombardements usaméricains.
Août 2021 : une
frappe de drone US à Kaboul a tué 10 civils afghans. Photo : Getty Images
Au cours
des 20 dernières années, comme le documente le tableau ci-dessous, les forces
aériennes usaméricaines et alliées ont largué plus de 337 000 bombes et
missiles sur d'autres pays. Cela représente une moyenne de 46 frappes par
jour pendant 20 ans. Ce bombardement sans fin n'a pas seulement été mortel et
dévastateur pour ses victimes, mais il est largement reconnu comme portant
gravement atteinte à la paix et à la sécurité internationales et diminuant la
position de l'USAmérique dans le monde.
Le
gouvernement et l'establishment politique usaméricains ont remarquablement
réussi à maintenir le public usaméricain dans l'ignorance des conséquences
horribles de ces campagnes de destruction massive à long terme, ce qui leur a
permis de maintenir l'illusion du militarisme usaméricain comme force du bien
dans le monde dans leur rhétorique politique intérieure.
Aujourd'hui,
même face à la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan, ils
redoublent d'efforts pour vendre ce récit contrefactuel au public usaméricain
afin de rallumer leur vieille guerre froide avec la Russie et la Chine, augmentant
ainsi de façon spectaculaire et prévisible le risque de guerre
nucléaire.
Les
nouvelles données Airpower Summary révèlent que les USA ont largué 3 246
bombes et missiles supplémentaires sur l'Afghanistan, l'Irak et la Syrie (2
068 sous Trump et 1 178 sous Biden) depuis février 2020.
La bonne
nouvelle est que les bombardements usaméricains sur ces 3 pays ont
considérablement diminué par rapport aux plus de 12 000 bombes et missiles
qu'ils ont lâchés sur eux en 2019. En fait, depuis le retrait des forces
d'occupation usaméricaines d'Afghanistan en août, l'armée US n'a
officiellement mené aucune frappe aérienne dans ce pays, et n'a largué que 13
bombes ou missiles sur l'Irak et la Syrie - ce qui n'exclut pas des frappes
supplémentaires non signalées par des forces sous le commandement ou le
contrôle de la CIA.
Les
présidents Trump et Biden ont tous deux le mérite d'avoir reconnu que des
bombardements et une occupation sans fin ne pouvaient pas assurer la victoire
en Afghanistan. La rapidité avec laquelle le gouvernement mis en place par
les USA est tombé aux mains des talibans une fois le retrait usaméricain engagé
a confirmé que 20 ans d'occupation militaire hostile, de bombardements
aériens et de soutien à des gouvernements corrompus n'ont finalement servi
qu'à ramener le peuple afghan, las de la guerre, sous la coupe des talibans.
La
décision insensible de Biden de faire suivre 20 ans d'occupation coloniale et
de bombardements aériens en Afghanistan par le même type de guerre de siège
économique brutale que les USA ont infligée à Cuba, à l'Iran, à la Corée du
Nord et au Venezuela ne peut que discréditer davantage l'USAmérique aux yeux
du monde.
Il n'y a
eu aucune demande de reddition de comptes pour ces 20 années de destruction insensée. Même
avec la publication des Airpower Summaries, l'horrible réalité des
guerres de bombardement usaméricaines et les pertes massives qu'elles
infligent restent largement cachées au peuple usaméricain.
De combien
des 3 246 attaques documentées dans l'Airpower Summary depuis février
2020 étiez-vous au courant avant de lire cet article ? Vous avez probablement
entendu parler de l'attaque de drone qui a tué 10 civils afghans à Kaboul en
août 2021. Mais qu'en est-il des 3 245 autres bombes et missiles ? Qui
ont-ils tué ou mutilé, et quelles maisons ont-ils détruites ?